[#Kawa #Marketing]- Conclusion : il est urgent de repenser la stratégie marketing (15/12/2015)
LE MARKETING DE LA GRENOUILLE
Nouvelles stratégies de marques pour nouveaux consommateurs
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Les trois piliers fondamentaux de la démarche marketing que sont la segmentation, le positionnement et l’information qualifiante (sous la forme de CRM par exemple) ne sont, à vrai dire, que de peu d’utilité quand les lignes du front sont aussi mouvantes. Pour ceux qui aiment les analogies militaires, on se souviendra que le véritable génie d’un Thomas Edward Lawrence (le fameux Lawrence d'Arabie), dans son combat contre les Turcs, a été de considérer que la doctrine stratégique, qu’il connaissait très bien, ne lui était d’aucune utilité. Guérilla et mouvements permanents imposaient une autre vision stratégique, une autre façon de penser la guerre : une vision claire du combat, de son contexte et de ses finalités, doublée d’un pragmatisme et d’une adaptation permanente quant à ses modalités d’application. TE Lawrence improvisait beaucoup, mais il n’en avait pas moins une vision claire des éléments du contexte moyen- oriental. Nous citons TE Lawrence à dessein, car le temps est passé d’une relation conflictuelle relativement balisée où chacun connaissait bien l’autre. Nous sommes entrés dans une guerre de mouvement où l’imprévisibilité est le maître mot. Depuis Clausewitz et Von Schlieffen, on sait que celle-ci est une composante de la stratégie, mais tout est question de degré. La difficulté, pour les marques et les distributeurs, réside dans le fait que le conso-battant déplace les lignes du front en permanence. La mobilité s’apparente, dans ce cas, beaucoup à la volatilité. L’illusion d’un concept universel a fait long feu dans la distribution : plus que d’une redéfinition conceptuelle permanente, le commerce doit faire montre d’une capacité forte à réaménager ses espaces, physiques et virtuels. Ainsi pour les hypermarchés, le problème n’est pas de savoir si concept du « tout sous le même toit » a vécu. Il est de prendre en compte de nouvelles habitudes de consommation, de nouvelles exigences en matière d’expériences d’achat, des attentes plus fortes en matière de personnalisation de la relation, etc. La réponse n’est pas simple, d’autant plus qu’elle suppose une transformation des structures de vente, depuis des structures figées vers des agencements « agiles », au sens que R. Pascale[i] donne à ce terme. En ne comprenant pas cela, Lars Olofsson, l’ancien dirigeant de Carrefour, était condamné à l’échec. On ne mène pas une guerre de mouvement, voire de guérilla, avec des armées qui sont programmées pour des affrontements classiques. Autant comme le disait TE Lawrence « manger une soupe avec un couteau » !
Nous l’avons souligné, à maintes reprises, en détaillant les attentes des cinq profils du conso-battant : c’est la nature même des processus à l’œuvre dans les organisations, tant chez les fabricants que chez les distributeurs, que les conso-battants perturbent. On sait depuis Chandler[ii] que structures et stratégies sont indissociables (même si on s’est beaucoup interrogé sur le sens de leur relation), sauf que, dans un contexte nouveau, où les stratégies deviennent de plus en plus difficiles à définir, et où la tactique semble reprendre ses droits, comment repenser de nouveaux modes d’organisation ? Comment concilier des processus qui demandent stabilité et centralisation avec des tactiques qui, sont-elles, extrêmement volatiles et obligent, de toutes les façons, à raccourcir toujours davantage les temps de réponse ? La tactique est un art – ce que Grecs et Romains connaissaient depuis longtemps – mais la prédominance de la tactique n’est pas sans répercussion sur les organisations. Abandonner une stratégie linéaire et rassurante, au profit d’une combinaison permanente de tactiques adaptatives, ne va pas de soi, et le risque est grand de désorienter les publics, tant internes qu’externes des organisations. Nombreuses sont les entreprises qui en ont fait la douloureuse expérience, comme le rappelle les soubresauts du dernier conflit social chez Air France[iii]. Le risque de l’adaptation permanente est au fond de confondre le conjoncturel et le structurel. A la vérité, tous les processus stratégiques imaginés dans les années 1970 reposaient sur cette distinction commode entre le structurel et le conjoncturel, mais peut-on les dissocier aussi facilement aujourd’hui ? Le raccourcissement de la durée de vie des produits, la fuite en avant des innovations contribuent à brouiller les cartes. On peut certes envisager, comme le fait Philippe Moati[iv], dans son ouvrage La nouvelle révolution commerciale, une révolution « servicielle », mais en aménager les modalités concrètes devient de plus en plus complexe.
Un signe ne trompe pas aujourd’hui : les marques, comme les distributeurs, éprouvent de plus en plus de difficultés à asseoir leurs positionnements sur des durées longues. Effet de « l’hypercompétition », chère à Richard D’Aveni[v] ? Sans doute mais pas uniquement. La demande des consommateurs est également de plus en plus difficile à cerner, car elle est souvent contradictoire, voire paradoxale. Comment, par exemple répondre à des consommateurs qui sont dans des postures hyper-individualistes, mais qui, en même temps, revendiquent des valeurs « collaboratives », voire de résistance à la consommation. Comment répondre à des clients qui usent d’une panoplie de tactiques toujours plus sophistiquées, lorsque l’on doit composer avec une inertie forte des organisations. De ce point de vue, l’exemple de C&A est édifiant : sa structure plutôt centralisée, sa forte identité ancrée dans l’histoire (sa création remonte à 1671), une permanence de ses dirigeants (la même famille dirige le groupe depuis 6 générations) ne sont-elles pas des freins à sa « mobilité » stratégique ? Et au-delà du seul problème organisationnel, comment se repositionner sans tomber dans un benchmark trop visible, à l’exemple de la Halle aux Vêtements ?
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[i] Pascale RT (1996).- « Reflections on Honda ».- California Management Review, 38, 4. p. 112-117.- University of California, Berkley.
[ii] Chandler Alfred Dupond (1994).- Stratégies et structures de l’entreprise.- Les éditions d’organisation.- 544 p.
[iii] Dutheil Guy (2015).- « La situation tendue chez Air France expliquée en 4 questions ».- Lemonde.fr, 02/10.- http://bit.ly/1JQ1lg1.
[iv] Moati Philippe (2011).- La nouvelle révolution commerciale.- Editions Odile Jacob.- 320 pages.
[v] Aveni (d’) Richard A (1994).- Hypercompetition: Managing the Dynamics of Strategic Maneuvering.- 356 p.
18:00 | Tags : marketing, consommation, kawa, grenouille | Lien permanent | Commentaires (0)