[#Kawa #Marketing]- Le Minimaliste ne veut pas forcément changer le cours des choses ! (15/12/2015)

LE MARKETING DE LA GRENOUILLE

Nouvelles stratégies de marques pour nouveaux consommateurs

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En se focalisant sur ses responsabilités sociétales, la Grande Distribution a fini par oublier qu’il existe des consommateurs qui ne prétendent pas changer le cours des choses, qui résistent comme ils peuvent à une situation économique souvent difficile et qui n'ont guère d'appétence pour le « réenchantement » des lieux d’achat[i], bref des consommateurs, utilitaristes et économes, qui s’estiment en situation de survie plutôt qu’en quête d’expériences nouvelles. Contrairement à l’archétype du nouveau consommateur qui pense que l’on peut consommer autrement, le minimaliste, sublimant parfois des difficultés économiques réelles, pense que la consommation n’est ni une finalité, ni une priorité, quel que soit le mode de consommation, traditionnel ou novateur. Fataliste, résigné ou simplement réaliste, le minimaliste n’a pas envie d’aller là où précisément on s’entête à l’entraîner, c’est-à-dire dans de nouveaux espaces d’achat, et cela par volonté d’échapper à la tentation (mais pas uniquement).

A cet égard, les graves difficultés financières rencontrées par la Halle aux Vêtements ne sont pas seulement dues au caractère tardif de son repositionnement stratégique – l’enseigne après d’autres a tenté une montée en gamme en regroupant ses marques dans des magasins de centre-ville - mais tiennent également au « déracinement » de la clientèle traditionnelle de l’enseigne de vêtements à bas prix : habituée à des prix bas, à des magasins situés en périphérie des grandes villes et organisés, selon le principe de la « foire fouille », en grands espaces de déstockage, la clientèle de la Halle s’est sentie « déboussolée » sinon « flouée » lorsque le groupe Vivarte a souhaité relocaliser ses espaces de vente en centre-ville, regroupant ses marques (Kookaï, Naf Naf, Chevignon, Caroll, Creek, etc.) dans un espace unique qui finit par adopter les codes (trop) classiques d’une enseigne de vêtements. Le résultat était tout… sauf imprévisible[ii]. Ne craignons pas d’insister, le minimaliste n'est pas méfiant, il est défiant[iii] et distant ! Il n'a pas envie d'être séduit mais convaincu ! Il n'attend pas de la distribution qu'elle change sa vie mais tout simplement qu'elle n'aggrave pas sa situation actuelle ou qu'elle ne le sollicite pas inutilement. Il est clair que, pour les distributeurs, ce n'est pas un client facile (cf. focus).

La distribution et les marques se sont bien souvent contentées de nous asséner les critiques du consommateur « résistant », en transformant leurs revendications en autant de slogans publicitaires[iv] : « La hausse des prix oppresse votre pouvoir d’achat » ; « La croissance oui, sauf celle des prix » ; « Il est interdit d’interdire de vendre moins cher », etc., pour ne reprendre que les publicités militantes de l’enseigne Leclerc. Il leur est en revanche plus difficile de « toucher » au cœur (et pas uniquement au portefeuille) ou à tout le moins de fidéliser ce type original de consommateurs. Et pourtant ils représentent plus de 12 millions de personnes en France, si bien qu’une modification, même minime de leur comportement d'achat, n’est pas sans conséquence sur le chiffre d’affaires des enseignes et sur leur rentabilité.

La première mission des marques et des distributeurs est de mieux cerner les attentes du minimaliste, au lieu de de réduire à outrance sa complexité, en le faisant entrer dans des stéréotypes figés, comme ceux de l’économe ou du routinier, si chers à la typologie de Burnett[v]. Le connaître ne suffit pas, il convient aussi de ne pas le considérer comme un « mauvais » consommateur, un « pauvre », sur qui on n'a pas de prise, qu'il est difficile de convaincre et qui de surcroît, ne bénéficie pas d'un fort pouvoir d'achat. De même, rien ne serait plus préjudiciable que de considérer le minimaliste comme un client « captif », en raison du fait qu’il fait peu jouer la concurrence, qu’il n’est pas très mobile et qu’il ne négocie guère. Prudence : le minimaliste dispose d'une arme dissuasive, celle du retrait tout simplement. La mésaventure de l’enseigne Tesco au Royaume-Uni est à cet égard édifiant (cf. encadré 4).

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[i] Magaud Christelle (2014).- « Le magasin (ré)enchanté ».- Magazine du E-commerce.- Etude sur les stratégies omnicanales 2016.- 28 janvier 2014.

[ii] Interview de l’un des auteurs.- Journal de France 2.- 07 avril 2015.- http://bit.ly/1Po3ZOX

[iii] Sur le problème de la défiance, voir Laurent Garnier, L (2011).-  « Le contrat de défiance ».- Chapitre dans  A nouveaux consommateurs, nouveau marketing.- Ouvrage collectif sous la direction de Jourdan P., Pacitto J.C., Laurent F.- Editions Dunod, Paris.-

[iv] Sur cette question voir l'excellente mise au point de Franck Cochoy (2009).-  « Entre Agence et dispositifs : les apories du concept de résistance ». Chapitre dans l’ouvrage collectif « Marketing et résistance des consommateurs ».- Sous la direction de Dominique Roux-  Economica, 2009.

[v] Burnett Léo (2012).- Les six grands profils de Shoppers.-. Etude internationale du groupe Léo Burnett.- PeopleShop.

17:53 | Tags : marketing, consommateur, consommation, grenouille, kawa | Lien permanent | Commentaires (0)