Après les posters de l'ASSE, les albums Panini. Cette fois, c'est à l'initiative du groupe de restauration scolaire Elior que les albums sont distribués... à l'école. Ce qui déplaît à plus d'un parent. La nouvelle polémique des cours d'école ?
Votre enfant, s'il va à l'école à Saint-Étienne et qu'il mange à la cantine, a dû recevoir un album Panini ces derniers jours. Et c'est cet album qui risque de créer une nouvelle polémique dans les cours d'école. On se souvient de la polémique des posters de l'ASSE envoyés par la mairie à toutes les écoles de la ville en mars dernier. Cette fois c'est le groupe Elior, l'un des fournisseurs des cantines françaises et partenaire privilégié de l'UEFA Euro 2016 qui est à l'origine de cette initiative.
Cette initiative est à échelle nationale, des albums ont été distribués dans plus de 2000 écoles françaises pour promouvoir le lancement d'un album inédit pour l'Euro 2016. Campagne publicitaire efficace, mais a-t-elle vraiment sa place dans une école ? C'est la critique faite par certains parents : un album Panini c'est un objet commercial. Il n'a donc pas sa place dans une école.
Trop, c'est trop
Quand on demande à un enfant s'il est heureux d'avoir eu son album Panini avec Antoine Griezmann et Dimitri Payet, évidemment, il saute de joie. Mais pour certains parents, c'est la méthode qui n'est vraiment pas correcte. D'abord, il faut bien comprendre que lorsque l'on a un album Panini, le but c'est de le remplir. C'est donc "un appel à la consommation". Et pour le compléter, c'est minimum cent euros, et encore si l'on est très très chanceux.
Ce n'est donc pas une dépense légère... et pour les parents agacés, l'école n'est pas un endroit pour la pub. Côté mairie, on explique que ce n'est pas dans le cadre scolaire, puisque c'est au moment du déjeuner mais dans les faits, l'entreprise partenaire de l'UEFA qui organise cette campagne publicitaire a forcément eu l'accord de la mairie.. et ce sont des agents municipaux qui les distribuent.
J.-C. Pacitto : Les seules stratégies gagnantes seront celles qui appuient leur développement sur l’écoute du consommateur et une réponse adaptative à des attentes changeantes tout en gardant le cap sur leur vision et leur mission. Gare aux autres ! Ainsi, la Halle s’est-elle trop éloignée de sa vision – s’adresser à une clientèle désireuse de maintenir son « vouloir » d’achat dans une ambiance foire-fouille, pour un shopping petit prix dans des magasins sans fioriture – pour partir à la conquête des centres villes, une mission pour laquelle le groupe Vivarte manquait de légitimité face aux autres enseignes installées. Et puis parfois, le monde change tout simplement trop vite, ce que reconnaissait récemment le CEO de Nokia, Ziyad Jawabra, au moment d’annoncer le rachat de la société moribonde par Microsoft : « Nous n’avons rien fait de mal, mais quelque part, nous avons perdu tout simplement. »
Ph. Jourdan : Le nouveau consommateur est comme la grenouille, paradoxale et changeante. Il aime se parer des vertus citoyennes et éthiques, il se plaît à disserter sur les modes de consommation alternatifs mais en même temps sa démarche reste très individualiste et la maximisation de sa satisfaction reste un objectif prioritaire. Nous l’avons remarqué dans l’étude du comportement du touche-à-tout : il veut bien « collaborer » mais il faut qu’il y trouve un avantage pour lui-même – il ne s’agit donc pas d’une collaboration désintéressée, altruiste, humaniste. S’agissant de l’ubérisation de l’économie, le nouveau consommateur est partagé entre l’avantage à court terme qu’il retire de ces nouveaux services – en termes de choix, de flexibilité et de prix – et le sentiment de la précarisation de l’économie salariée qu’ils entraînent. Cette tension psychologique est toutefois vite estompée : comme sur bien des sujets, le Français reporte sur d’autres, en l’occurrence les pouvoirs publics, le soin d’arbitrer et de résoudre le problème. A l’écouter, ces évolutions sont « inéluctables » et à son niveau, il ne saurait seul les empêcher, un discours qui le rend proche d’Emmanuel Macron. Par certains côtés, le Français est donc bien ce « mutin » de Panurge, si bien décrit par le regretté Philippe Muray.
J.-C. Pacitto : Si l’on considère que le digital nous fait entrer à une vitesse inégalée dans l’économie de la connaissance, on pourrait rapprocher la révolution digitale de celle suscitée par l’imprimerie, qui a généré des bouleversements sociétaux de grand ampleur, en favorisant la circulation des idées – comme la Révolution Française –, car la circulation des idées est une force que rien ne peut ralentir. La révolution industrielle, pourquoi pas ? Elle a dramatiquement transformé les usages, mais ce qui distingue cette époque de la nôtre, c’est qu’elle fût dominée par des valeurs utilitaristes – « vivre plus » –, alors que la nôtre l’est davantage par l’hédonisme – « vivre mieux ». J’aime bien l’analogie avec l’apparition des lunettes : elle nous rappelle que ce n’est pas la technologie en soi qui bouleverse une société, mais son usage particulier et sa capacité à modifier les valeurs d’usage, ce que firent indéniablement les lunettes en leur temps. Si on ne comprend pas cela, on passe à côté de l’essentiel.